LE MAQUILLAGE, LE MEILLEUR ENNEMI DES FEMMES ?

  • "T'es vraiment jolie sans maquillage, tu devrais pas mettre autant de couches!"  
  • " Ah non mais elle, elle se maquille beaucoup trop! Bonjour la superficialité"
  •  "T'as vu le mouvement d'Alicia Keys ? C'est tellement courageux de sa part d'assumer son visage au naturel" 

Qui n'a jamais entendu (ou pensé) ces phrases ? Au cœur de toutes les bouches, le grand méchant loup, le maléfique et oh! maudit maquillage. Pourtant, cette pratique ne date pas d'hier, alors comment est-on passé du diktat du maquillage, au diktat du no-makeup ? 

C'est une question qui m'a frappée lorsque je suis tombée sur la démarche d'Alicia Keys en 2016. La célèbre interprète de "No One" fait alors un retour fracassant, pas grâce à sa musique, non! Mieux. Elle a osé. Elle s'affiche sans maquillage lors d'un shooting pour Fault Magazine, mais ce n'est pas tout. Son Instagram regorge d'une Alicia Keys make-up free. Il n'en faut pas plus pour agiter la BeautySphere. Quel courage! Quelle authenticité! Voilà ce qu'il nous manquait. Il est bien loin le temps où l'on faisait l'apologie d'une féminité soi-disant exprimée par le maquillage. Désormais, ce qui compte, c'est la beauté intérieure. Ah oui ? Vraiment ?

QUAND MAQUILLAGE RIME AVEC CAMOUFLAGE


C'est bien connu, quand on se maquille, c'est pour s'arranger au mieux avec la vérité. On corrige, on camouflé, on accentue. Bref, le maquillage agit un peu comme un filtre snapchat. Efficace, il lisse et rehausse le teint. On est prête à affronter la société. Bien dans ses baskets. Ce qui est aussi bien connu, c'est la déception de la gente masculine (mais si, tu sais, la caste supérieure qui décide de la légitimité de tes actions) : attention, avec le maquillage, tu as le droit à deux personnes pour le prix d'une ! Pour éviter le désenchantement, il faut savoir doser. Et savoir doser, c'est bien cela qui rend la chose compliquée. Que faire quand on ne peut ni "maquiller les yeux et la bouche à la fois "? Parce que attention, personne ne veut avoir l'air d'un camion volé, d'un pot de peinture, d'une écervelée superficielle. Il est là, le second risque, la superficialité! La remarque a même été faite à ma collègue qui témoigne " attends, comment toi qui a fait des études de lettres, tu peux passer du temps à ces conneries ?"(je résume). Bah oui, c'est assez paradoxal, comprenez les. Être une femme cultivée qui s'adonne à un loisir narcissique et mensonger, y a quelque chose qui cloche. Au fond, l'analogie est simple : la personnalité, la valeur de chaque femme est devinée à travers son physique. Le maquillage devient une pratique qui enferme celle-ci dans un préjugé. Alors que de nombreuses personnes se maquillent parce qu'elles en ont envie, on enferme cette pratique sous le coup de la contrainte. En réalité, les raisons peuvent varier et s'il est certain que beaucoup d'entre nous se maquillent pour camoufler, il n'est pas moins sûr que ce soit la seule raison. Après tout, l'art du maquillage n'est ce pas de déguiser tout en révélant ?
 Ce qui pose réellement problème, c'est la pression que portent ces femmes qui se maquillent mais aussi celles qui ne se maquillent pas. " Tu pourrais faire un effort !" / "Elle est négligée, ça se voit", / " Pas féminine pour un sous." Ces remarques sont les reflets de la pression qui résulte du rapport qu'entretient la société avec le maquillage. Parce que dans notre société, être naturelle, ça ne rime pas avec cernes et sourcils fougueux. Non, être naturelle, c'est paraître comme tel.

LA MODE DU NATUREL : LE SALUT ?


Alors oui, quand les hashtags et les démarches d'Amy Schumer, Alicia Keys ou les selfies de Demi Lovato nous ont vendus le retour au naturel comme la revanche de tous ces siècles de pression, on y a cru. Comment ne pas être admiratif face à ces stars qui n'arborent pas un gramme de superficialité sur leurs visages ? Le concept ? On l'achète ! Officiellement, c'est le refus d'une société qui pousse les femmes à se maquiller, le refus d'une société qui présente la femme comme un objet de décoration, le refus d'une société qui impose des critères de beauté inatteignables. C'est sympa, n'est ce pas ? Alors, beaucoup on suivit. C'est devenu tendance, le naturel. Super! Va-t-on pouvoir porter fièrement ses cernes sans avoir à se cacher derrière une excuse qui impliquerait son état de santé ?  Que nenni! C'est plutôt une formule assez intrigante qui a émergé: le no makeup look. Comme son nom l'indique, il s'agit bien de maquillage. Mais d'un maquillage qui n'en a pas l'air. Elle est là, la solution face au dosage ! Sur les réseaux sociaux, s'afficher sans maquillage devient une fierté. Grâce à des hashtags, on prouve que, certes nous ne sommes pas maquillées, mais nous restons belles quand même. 
Instagram @KimKardashian - " Balanciaga. No make-up today" 

Au lieu de mettre fin au diktat du maquillage comme une norme, comme un indicateur de féminité, la tendance du naturel tombe dans le diktat inverse. Les femmes portant du maquillage se retrouvent stigmatisées, au même titre que celles qui n'en portent pas mais qui n'ont pas de peaux lisses, de teints unis ou de longs cils. Les critères de beauté sont toujours là. Un mensonge se met en place, celui du visage parfait sans effort aucun. Or, l'entretien des sourcils, les dépenses dans des soins intensifs relèvent eux aussi d'une forme de superficialité.  Encore plus dangereux, un jugement de valeur se met en place. Les pros du no-makeup deviennent respectables seulement d'après ce critère. Et inversement... N'assistons-nous pas là au phénomène du serpent qui se mord la queue ?

CONFIANCE EN SOI ET FEMINISME


Allier confiance en soi et liberté d'être, voilà la solution qui, à mes yeux, porte tout son sens. Le naturel se doit d'être une revendication tout comme le maquillage. En aucun cas, ces deux pratiques ne doivent devenir des normes. Une société qui est en bonne santé, c'est une société qui a le choix. Eviter que le maquillage, pratique qui aide à la confiance en soi, ne devienne une nécessité ou un besoin. Eviter que le maquillage ne soit synonyme de honte pour celui qui en porte. Eviter que le maquillage ne devienne notre meilleur ennemi. Voilà mes souhaits pour les prochaines décennies à venir, mais tout cela, ce ne sont que des mots…

@asapdaya twitter - " les hommes : tu portes du mauillage parce que tu n'as pas confiance en toi / moi : elle est jolie ainsi, et elle est tout aussi jolie ainsi".

Commentaires

Articles les plus consultés