L'APPROPRIATION CULTURELLE, C'EST QUOI ?

Alors que de nombreuses marques se retrouvent accusées d'appropriation culturelle, les mouvements qui revendiquent et défendent une culture sont souvent incompris, et parfois à juste titre. Finalement, qu'est ce qui se cache derrière cette expression tant décriée ? Attention, sujet sensible. 

"Ma culture n'est pas ton costume"

UNE NOTION AU COEUR DES POLEMIQUES


Le terme d'appropriation culturelle a véritablement fait son entrée sur la scène publique grâce (à cause?) de nombreuses polémiques qui ont émergées Outre-Atlantique. Ce terme est devenu connu de tous. Presque tendance. Pourtant, c'est une notion qui ne date pas d'hier et qui n'a pas attendu le défilé de Stella McCartney pour faire réagir et interroger ; focus sur un phénomène beaucoup plus révélateur qu'il n'y paraît.
En France, c'est une notion assez méconnue. C'est aux Etats-Unis, un pays étrange mais fascinant, que le débat prend véritablement toute son ampleur. Les polémiques touchent de nombreuses sphères : celle du sport, de la mode, des "influenceurs"... Personne n'est à l'abri d'une accusation d'appropriation culturelle. Plus récemment, c'est le défilé Valentino ou encore les tresses de Kylie Jenner qui ont agité le monde miniature des réseaux sociaux. Niveau mode, on peut apercevoir des mannequins blancs arborer des tenues traditionnelles africaines. Niveau réseaux, c'est la cadette du clan Kardashian qui s'affiche avec des nattes collées, lançant une mode critiquée. En effet, Kylie Jenner est accusée de "prendre" un aspect de la culture noire sans être légitime.

Campagne Valentino Printemps/ Eté 2016

Outre l'aspect polémique, les recherches universitaires mettent en avant un phénomène simple : l'appropriation culturelle est un concept selon lequel l'adoption et l'utilisation d'une culture, par les membres d'une culture dominante, est offensant ou constitue une forme de spoliation. Simple, n'est-ce pas? Alors, pourquoi tant de polémiques? Tout simplement, parce que le terme même de culture est ambigu. Parler d'appropriation culturelle dans le pays à la fois du melting-pot, des (pas si) anciennes lois ségrégationnistes et de la conquête vers l'Ouest, ça ne pouvait qu'être explosif. 
C'est donc de la sphère universitaire que les débats proviennent. Evoquer l'appropriation culturelle peut aussi sembler faire le jeu d'un conservatisme. Chacun doit s'habiller, parler selon sa culture. La démarche devient alors compliquée; moi, jeune Française de parents camerounais, c'est quoi, au fait, ma culture? Dans l'idéal commun, les cultures devraient pouvoir se mélanger, coexister. Néanmoins, cela reste un idéal et il serait (vraiment) naïf d'ignorer qu'il existe bel et bien des cultures dominantes et des cultures dominées. C'est dans ce contexte, que la notion d'appropriation prend une toute autre dimension.

JE T'AIME, MOI NON PLUS : ENTRE APPROPRIATION ET APPRECIATION


C'est la dimension politique qui a pris le dessus. Le cœur des polémiques se situe dans la fine limite qu'il y a entre l'appréciation culturelle, c'est-à-dire le fait d'embrasser une culture pour lui rendre hommage ou pour tout simplement la respecter et l'appropriation culturelle, qui heurte les cultures. Les communautés noire et amérindienne sont le plus souvent sur le devant de la scène. L'industrie de la mode qui reprend des motifs aztèques ou japonais, sans prendre part aux revendications politiques de ces peuples, apparaît alors comme un marchand qui vend une culture comme une tendance, comme un étendard éphémère sans fond historique. Ce qui résulte de ces actions, c'est une impression de minimisation, de mépris ou -au mieux ?- d'ignorance. Dans tous les cas, il n'en ressort rien de positif. 
Beyonce dans le clip vidéo "Hymn for the Weekend"

Il faut bien comprendre que ce qui est reproché n'est pas l'action, mais l'intention. Les marques sont conscientes des différents clichés qu'elles peuvent véhiculer tout comme des normes qu'elles peuvent créer. En acceptant de prendre tel ou tel élément culturel, mais, en choisissant de faire l'impasse sur les problèmes de représentativité des autres cultures, celles-ci font le jeu d'une société normée. C'est-à-dire d'une société qui considère la culture européenne, la peau caucasienne et les cheveux lisses comme "normaux" et le reste comme "atypiques". C'est un petit peu le phénomène du "je t'aime, moi non plus" , on pioche des caractéristiques culturelles tout en n'acceptant pas complètement la culture en question. Cela amène à un sentiment de violation, de spoliation mais aussi d'incompréhension mutuelle. Mais alors, comment sortir de l'appropriation culturelle pour aller vers l'appréciation culturelle? Le secret réside en un seul mot : la reconnaissance. 








QUAND APPROPRIATION RIME AVEC FRUSTRATION


La jeune actrice Amandla Stenberg répond de façon assez concise sur le sujet dans une vidéo. Son propos peut être résumé par cette question : " What would America be like if it loved black people as much as it loves black culture?"( Que serait l'Amérique si elle aimait autant les Noirs que la culture noire?). Cette question fait écho à une autre dimension primordiale que soulève la notion d'appropriation culturelle : l'inégalité subie et infligée par la classe dominante. L'appropriation culturelle est un concept qui fait débat parce qu'il repose sur une bien triste réalité : celle d'un malaise social. Notre société mondialisée s'est établie à partir de codes et d'idéaux au détriment de certaines cultures. En réalité, ce qui est dénoncé, c'est l'hypocrisie d'un système qui ne reconnait la beauté que lorsque celle-ci est mise en avant par les mêmes dominants. L'histoire coloniale et politique de chaque pays, souvent refoulée, n'est pas à mettre sous le tapis comme de vulgaires poussières. Cette attitude ne peut que faire naître des frustrations. Apprécier une culture, c'est la connaître, l'accepter dans sa totalité et, surtout, la respecter. Concrètement, cela implique une meilleure représentativité sur les podiums, au cinéma, dans les clips vidéos ou que, tout simplement, les célébrités qui usent de leur influence pour rendre un élément culturel à la mode, ne restent pas muettes face aux inégalités qui structurent notre société. Mais tout ça, ce ne sont que des mots...

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