LE RAP, CET ENNEMI MUSICAL N°1.


Rap : cool ou gangster?

Aimer le rap sans être un banlieusard déscolarisé, c'est possible. Si, si je t'assure. Parce que le rap, c'est de la musique. Et oui, tu peux être fier d'aimer un genre musical toujours plus riche et complexe. Et ça, ce ne sont pas que des mots. Alors, comment apprécier le rap? Commencer par l'écouter. Et c'est bien plus compliqué qu'il n'y parait car le rap n'est visible qu'à celui qui s'y intéresse.Pour les autres, ce n'est qu'un nuage de clichés et quelques morceaux qui deviennent des hits le temps d'un été. Pourtant, des milliers de personnes en France écoutent régulièrement du rap. A tel point que lorsqu'on jette un coup d'oeil sur les classements français des plateformes de streaming musical, les premières places sont bien souvent réservées aux nombreux rappeurs de la scène francophone. Pourtant, comment expliquer un pareil engouement alors que l'opinion publique ne semble pas plus ouverte à l'univers du rap ? Pour comprendre cette tendance, il faut d'abord revenir aux origines du rap.

"DES RACAILLES AVEC UN MICRO"

NTM et IAM, voilà les grands groupes de rappeurs qui ont fait connaître ce genre musical aux Français. Il est devenu populaire dans les années 90, tout droit arrivé des Etats-Unis. Sigle de "Rythm And Poetry", c'est une forme d'expression vocale qui naît dans les ghettos et pour les ghettos à l'aube des années 70 dans un climat marqué par les violences policières. Il est ainsi plus facile de comprendre d'où provient la rage souvent perceptible dans la plupart des morceaux : le rap, à l'origine, est bien un moyen de contestation. Il est éminemment politique. Mais le rap, c'est aussi de la musique, donc de l'art. Son origine politique n'empêche pas l'expression de celui-ci et on peut observer différentes formes de rap. Néanmoins, il est difficile d'imaginer un voyage avec ses parents en écoutant du rap. Pourquoi ? Tout d'abord, à cause des paroles, souvent … Crues. Mais aussi (et surtout) à cause de l'image que renvoie ce genre musical. Une image de violence et d'arrogance dépourvue de toute forme d'intelligence. Il faut dire qu'avec la dernière bagarre de Booba et Kaaris, les clichés n'ont pu être que renforcés. 

Kaaris et Booba, deux rappeurs français rivaux condamnés en septembre 2018 après une violente bagarre à l'aéroport d'Orly.

"Des racailles avec un micro"; voilà ce que pensent la plupart des personnes. Les paroles, souvent violentes et à caractère sexistes ne peuvent évidemment pas être défendues. Lorsqu'on regarde un clip de rap, il n'est pas rare (voir commun) d'apercevoir des femmes présentées comme des trophées et beaucoup d'argent. La plupart des rappeurs comme Kery James, Joey Starr ou encore Lacrim sont passés par la case prison. Souvent, les postures adoptées par ceux-ci sont celles du "gros dur", du "bad boy". Il n'est pas anodin d'associer le rap aux pratiques illégales. Ce sont même des pratiques que la plupart des rappeurs évoquent fièrement. En partant de ces constats, il n'est pas difficile de comprendre les nombreuses critiques que subit le rap. Ni de comprendre le recul prudent pris par les médias face aux différentes promotions des artistes. Mais, de là à condamner tout un genre musical, le raccourci serait tout aussi malheureux.  En réalité, l'art de la violence, ça se maîtrise. Non, sérieux. 

DU MEPRIS A L'INCOMPREHENSION

Et si, les paroles violentes des rappeurs ne faisaient tout simplement que le témoignage fidèle du monde violent où nous vivons ? Quand on regarde de plus près, le rap vient du milieu populaire ; les rappeurs viennent de ce milieu. Ce n'est finalement que la description d'une réalité qui est la leur mais aussi celle de nombreuses personnes. Thomas Blondeau, auteur de Hip-Hop, une histoire française, évoque cette problématique lors d'un entretien: "dans les années 1990, les rappeurs rêvaient de participer à la société française. Ils souhaitaient que les Français remarquent qu’ils n’étaient pas idiots et qu’ils pouvaient s’exprimer. Mais après des épisodes comme dans l’émission de Paul Amar, les rappeurs se sont dit : « puisqu’ils ne veulent pas de nous, on va rester entre nous". Bien au-delà de la musique, on assiste à un véritable phénomène sociologique : le rap, d'abord considéré avec condescendance comme de 'la musique de rue' n'est jamais véritablement pris au sérieux même après de grands succès. Les rappeurs comme McSolaar ou Oxmo Puccino sont présentés comme des "perles rares. Ce ne sont que des exceptions qui confirment la règle.  Le rappeur rebelle reste la seule image possible du rappeur. Comme si ceux qui échappaient à ce cliché n'étaient finalement que des phénomènes à part. Parce que ce genre musical se veut véhément et qu'il évoque des réalités souvent niées, le rap dérange. Alors, d'abord, les rappeurs ont essayé d'interpeller la société pour finalement créer sa propre société, ses propres codes, son propre langage.  De nos jours, le monde du rap est un monde opaque. Et souvent, cette opacité est reprochée par ses détracteurs. Pourtant, si l'on suit bien les différents mouvements du rap, la logique d'entre-soi n'est apparue qu'après la fermeture des médias traditionnels. Le rap n'était pas considéré comme un genre musical crédible. Bien que critiquée, l'auto-marginalisation des rappeurs est paradoxalement devenue la principale stratégie commerciale de ventes. Le succès du groupe des deux frères rappeurs PNL illustre bien la logique adoptée par bon nombre de rappeurs mais aussi de producteurs. C'est l'émergence des plateformes de streaming et des vidéos YouTube qui ont permis une promotion plus aisée. La diffusion est désormais rapide. Un titre peut devenir viral en un temps record. Grâce à ces nouvelles méthodes, les cartes sont redistribuées. 

RICHESSE MUSICALE ET POPULARITE 

Néanmoins, les nouveaux talents pullulent, la scène musicale laisse de plus en plus de place à un genre musical d'abord boudé mais de plus en plus accepté. Grâce aux nouvelles stratégies de production numérique, de nombreux artistes ont pu être révélés au grand public. On peut même parler d'un engouement sans précédent pour le rap.

Spotify, Amazon music, ITunes, YouTube, Deezer, Soundcloud… Des plateformes de streaming musical qui apportent une notoriété plus rapide et un rapport à la musique plus direct.

Vous avez une âme de contestataire ? A vous le rap conscient. Plutôt fêtard ? A vous l'afro trap. Au contraire, une envie de tranquillité ? Quoi de mieux qu'un bon rap poétique. Mais oui, je vous l'avais dit, tout le monde peut aimer le rap. Même pas besoin d'être un banlieusard déscolarisé. Le rap est un genre musical, avec de nombreux sous-genres. Il a la capacité de rassembler tout comme d'interpeller. Et même si désormais le rap est devenu une valeur marchande sûre, ce n'est pas parce que tu n'écoutes que du rap commercial que tu n'y connais rien. Ni parce que tu n'écoutes que du rap conscient que tu es un vrai connaisseur.  En aucun cas, écouter du rap ne doit devenir une honte. Et, parfois, il faut savoir différencier les artistes des personnages qu'ils adoptent dans leurs chansons. Parce que le rap, ce sont surtout des mots mais aussi du tempo … et une attitude.

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